La texture urbaine de Tel Aviv est faite d’un agencement de quelque 4000 édifices construits entre 1931 et 1948 dans le premier style international, et de quelque 300 édifices construits entre 1948 et 1960 dans le style moderne d’après-guerre. Ces édifices sont concentrés principalement dans le cœur de la ville historique, qui constitue aussi le centre-ville de la métropole actuelle.
La partie centrale et la partie nord de la ville historique de Tel Aviv ont été construites selon le plan de Sir Patrick Geddes. Le célèbre urbaniste écossais en a reçu la commande en 1925 du maire de Tel Aviv, Meir Dizengoff. Les principes du plan proposé ont été adoptés en 1927 et ils sont entrés en vigueur en 1938. Le plan, exécuté avec des changements mineurs, est le seul projet réalisé de l’urbaniste.
Reconnaissance mondiale
En 2003, la «ville blanche de Tel Aviv» a été déclarée patrimoine mondial par l’UNESCO. Les raisons de cette déclaration reposent sur les attendus suivants:
- Placé au centre de la métropole, ce site jouit d’une visibilité maximale alors que, dans d’autres pays, les ensembles urbains de style international sont situés à la périphérie. Plus difficiles d’accès, ils sont donc connus de manière plus confidentielle.
- Le site présente la plus grande concentration d’édifices de style international du monde.
- Son étendue est importante et son style homogène.
- La ville est un carrefour des tendances du mouvement moderne. Les architectes qui ont immigré en Israël et ceux qui sont partis d’Israël pour se former en Europe ont reçu l’enseignement des diverses avant-gardes européennes. Certains d’entre eux ont fait leur apprentissage dans les agences phares du mouvement moderne. Réexaminant le savoir, les idées et les principes importés d’ailleurs à la lumière de la culture et du climat locaux, ces architectes ont dégagé une synthèse génératrice de formes nouvelles qui a créé un langage architectural d’une richesse et d’une diversité inégalées par d’autres ensembles modernes à travers le monde.
- Du point de vue de l’histoire de l’architecture au XXe siècle, la conjugaison du plan moderne de Geddes et de l’architecture moderne accentue le caractère moderne de Tel Aviv et son intégrité.
Europe et Moyen-Orient
Les origines de l’architecture moderne à Tel Aviv remontent à la fin des années 1920.
La crise économique que le pays traverse de 1926 à 1928, crise qui met fin à l’immigration et au boom de la construction et installe le chômage dans les métiers du bâtiment, incite les jeunes faisant partie de la troisième et de la quatrième vague d’immigration à poursuivre des études en Europe. Ils étudient au Bauhaus en Allemagne, aux instituts de Gand et de Bruxelles en Belgique, à Paris et à Caen en France où ils subissent l’influence des idées de Le Corbusier, à Vienne en Autriche, ainsi qu’aux universités de Rome, Venise et Naples en Italie.
Certains d’entre eux restent travailler dans les bureaux de Erich Mendelsohn et de Hannes Meyer à Berlin ou dans celui de Le Corbusier à Paris.
Revenant au pays au début des années 1930 imprégnés de l’idée que l’architecture peut agir sur l’ordre social, ils aspirent à la création d’un monde nouveau dans lequel naîtra une société libre, laïque et socialiste. Les principes du Mouvement moderne, porte-étendard d’une architecture simple et dépouillée, leur apportent la solution qui correspond aux besoins de la communauté juive d’Israël: construire rapidement et à bon prix des habitations pour une société naissante.
Le modernisme devient donc la norme selon laquelle est transformée l’allure de la ville nouvelle émergée des dunes le long de la côte méditerranéenne.
Solutions locales
La diversité des formations des architectes est un des principaux facteurs contribuant à la richesse du langage architectural local, richesse qui provient de la fusion d’inspirations de sources diverses avec des éléments appartenant à la tradition moyen-orientale de la maçonnerie et de solutions simples aux impératifs climatiques. Ainsi, les grandes surfaces vitrées du modernisme européen, qui ne permettent pas de contrôler la forte lumière et l’oppressante chaleur, disparaissent lors du déménagement à Tel Aviv, ne laissant qu’une petite trace dans la fenestration (en forme de thermomètre) des cages d’escalier.
Les longues fenêtres en bande sont remplacées par de longs balcons en retrait munis de dispositifs d’ombre tels que des auvents et des garde-corps de béton, des fentes de ventilation, etc. Des solutions sont aussi empruntées à la tradition moyenne-orientale et méditerranéenne: cours, ouvertures zénithales de ventilation circulaires ou rectangulaires, arcades et moucharabiehs (portions de murs ou balustrades ajourés permettant de ventiler les espaces situés derrière eux et de regarder au dehors tout en assurant l’intimité).
L’adaptation des influences européennes aux conditions climatiques locales et à la tradition du travail de la maçonnerie a créé un riche langage vernaculaire qui s’exprime par un relief accidenté des volumes obtenu au moyen d’avancées et de retraits par rapport à l’aplomb du mur ainsi que par le dialogue ludique des balcons aux formes multiples. La forte tridimensionnalité, les qualités expressives de la ligne courbe ainsi que la coulée des lignes horizontales donnent lieu à un jeu d’ombre et de lumière qui est un des traits distinctifs de l’architecture de Tel Aviv.
L’utilisation du plâtre blanc et lisse accentue la beauté des édifices qui se dressent au soleil, d’où le nom de «ville blanche» qui renvoie à une architecture pure, nette, propre et libre de faux ornements.
Une ville renaît
Dans les années 1960, la ville blanche commence à se délabrer. Le manque d’entretien et la course pour fermer les balcons provoquent un vieillissement et un enlaidissement accélérés du centre-ville. Les jeunes l’abandonnent vite pour déménager dans les banlieues. Au début des années 1980, un petit groupe de personnalités du monde de la culture commence à attirer l’attention du public sur l’importance de cet héritage architectural.